L’Âge de Faire n°25, novembre 2008

L’éthique de l’alambic

par Camille Mesuret

À Rosans, une petite distillerie artisanale élabore des huiles essentielles et des eaux florales issues de cueillette sauvage et de l’agriculture biologique.

C’est un petit coin sauvage des Hautes-Alpes, un village accroché à la montagne.

Là, nichée au creux d’un vallon, on aperçoit enfin la petite exploitation Rivière des Arômes. Jean-François Roussot et sa compagne Dominique Jégouic vivent et travaillent ici depuis 2002. Affiliés au SIMPLES (Syndicat inter-massif pour la production et l’économie des simples*), ils se sont engagés à travailler selon un cahier des charges très rigoureux, en plus de celui de l’Agriculture Biologique.

Leur production, composée au deux tiers de cueillette, fait ainsi l’objet de toutes les attentions : « Tout se fait à la main, sans outil mécanique. C’est la
garantie de ne cueillir et distiller que la plante recherchée et pas les herbes
qui poussent à coté. Du coup on a un rendement extrêmement faible », explique Jean-François.

Et pour cause. Produire un litre d’huile essentielle de thym nécessite près de 300 kg de thym sauvage soit environ une semaine de cueillette ! Une fois ramassées, les plantes sont triées puis mises à sécher. Leur distillation en alambic permet l’extraction d’huiles essentielles et d’eaux florales (moins concentrées en actifs que les huiles). Avec les fleurs, ils préparent également
des sirops et des sels et proposent, en tout, une soixantaine de produits
vendus sur place, par correspondance, sur certaines foires bio ou Amaps.
Un réseau de distribution à l’image de leur mode de vie, fait de simplicité et de débrouillardise. « On essaie de tout faire nous-mêmes. Nous avons réalisé nos locaux en autoconstruction, ce qui nous a pris 3 ans. Aujourd’hui, on travaille la semaine, le week-end on fait les foires. Malgré ce planning chargé, on ne vit pas encore de notre travail.
Pour en vivre, il faut s’accrocher mais on ne fait pas ce métier pour faire de l’argent, c’est un choix de vie », confie-t-il.

Une réalité qui contraste avec l’impression d’un marché florissant autour des plantes et la multiplication de produits dans les commerces. « Il y a beaucoup de fantasmes autour de ce métier », observe Jean-François avant d’ajouter : « je considère que mon exploitation est rentable car j’arrive presque à vivre en n’ayant qu’un seul hectare en culture mais c’est une logique de simplicité et de respect du vivant que les gens ne comprennent pas toujours. » Pour faire face aux difficultés administratives et au manque de reconnaissance de leur métier (lire ci-dessous), près d’une centaine de petits producteurs comme Jean-François et Dominique ont adhéré au syndicat SIMPLES. Créé en 1982, il est leur représentant officiel, mais pas seulement. « On est isolés chacun dans notre coin et ce réseau est un lien qui nous permet d’échanger des informations, des savoir-faire ». Une logique de coopération inscrite jusque dans le fonctionnement de leur label.

Aux SIMPLES, pas de contrôle de qualité extérieur comme le fait Ecocert pour l’agriculture biologique. Tous les ans, chaque producteur doit être à la fois contrôleur et contrôlé au sein du réseau, sans risque de complaisance entre eux : « Nous sommes plus dans le conseil que dans la sanction mais la régulation doit se faire, il en va de la crédibilité du label », explique Jean-François avant d’ajouter : « C’est un système très efficace. On connaît le
métier et si quelqu’un triche ou ne travaille pas bien, on le voit tout de suite ».
Réunis dans le Jura, les 11 et 12 octobre dernier, pour la fête annuelle des simples, les producteurs ont travaillé sur la transmission de leurs savoirs et de leur patrimoine. Une question cruciale pour une profession qui lutte au quotidien pour préserver la nature, « son partenaire » de travail.

Camille Mesuret

*Simples : plantes médicinales ou aromatiques
utilisées comme remèdes populaires
sous forme de préparation ou d’infusions.

P.-S.

Que dit la loi ?

Le décret n° 2008-839 du 22 août 2008 permet la vente, hors monopole pharmaceutique,
de plantes* inscrites à la pharmacopée française, autorisées
dans le cadre de la réglementation des compléments alimentaires.
Le décret n°2008-841 du 22 août 2008 permet la sortie du monopole pharmaceutique
de 146 plantes* inscrites à la pharmacopée française.
(*Plantes qui n’ont pas un usage thérapeutique exclusif et dont la sécurité
sanitaire a été évaluée et cautionnée).>>http://www.legifrance.gouv.fr